LES PLEUREURS
Perdus dans le linceul des saules adventices
Les aventureux rayons du couchant se défont
Les ombres sont rouges Les songes sont novices
Dans ces larmes ramifiées le soir se fait plus long
La rivière invisible en s’éventant dérive
Son regard est si pâle Son miroir est nodal
Et sème une traîne d’étoiles éventives
Les alucites dénouent ce vide sidéral
Les pleureurs sont enneigés d’une peine contraire
Car ce soir qui les fait si tristes et si beaux
Saisis dans le contre-jour d’une même lumière
Vient les nimber du deuil du soleil ou des eaux
Les pleureurs sont embrumés d’une peine contraire
La peine est un hasard de brume et d’intérieur
Une planète tremblante au bout de la lentille
La douleur est un lys noir à l’éclair moqueur
Quelle est donc cette évidence en mourant qui scintille
Sombres couleurs de l’âme où le saule s’éteint
L’astre couchant se contemple où le désir s’achève
Le sang pâlit la voix se meurt le cœur s’étreint
D’un seul souffle la fleur se change en son propre rêve
Les pleureurs endurent la torture du soir
Ce dieu d’ivoire enchanteur qu’ils adorent et craignent
Et au soleil lointain qu’il est proscrit de voir
Meurtries de sa distance leurs implorations saignent
Les pleureurs savourent le supplice du soir
Apologie du silence ils ne peuvent rien dire
Pour seul verbe un murmure allusif des rameaux
Tient lieu de rumeur marine où le vent vient s’induire
Miroitement des pleurs écoulés mot à mot
La bulle bleue de la lune ensevelie dans l’âtre
Des hauteurs nocturnes où dorment les cieux blancs
Effleure pensivement d’une étoile bleuâtre
De l’argyronète le tissage tremblant
Les pleureurs voient l’étoile pâlir en son silence
Puis souffrir et mourir dans son charme recru
La bas comme un oiseau d’or prend l’essor en cadence
L’intouchable Celer voit son temps revenu
Les pleureurs voient l’étoile s’élever en silence
Mouvante promesse des saules qui s’étend
Double extension des couleurs que l’argent de l’eau fêle-
Il n’est rien à ravir au rouge de l’étang
Voici trompé le songe sanglant de l’anophèle
Reflet désintégré du roseau isolé
A cette heure les rêves grondent en leur tumulte
Ainsi dans le même or d’un halo ciselé
Vivante aurore les astres combattants s’occultent
Les pleureurs miroitent sous l’écho confident
Se peut il qu’à regretter des saules se consument
Tout est vain si le cœur n’est pas lamé d’argent
Au cœur de l’herbe aimantée vibre une étrange écume
Les pleureurs miroitent sous l’écho confident
L’onde au pied des troncs file une brume gracile
A peine enchanté son voile hors d’atteinte est perdu
Comme un lever de lune hors son écrin fragile
L’étrave des nénuphars guette un astre attendu
Au large des pensées où le verbe décline
L’onde poursuit son reflet au phosphore ébloui
Tout reste seul sans voir les aubes alcalines
Toujours le départ fait naître un sentiment d’oubli
Les pleureurs mourront là La nuit change son angle
Les phalènes s’essoufflent dans la fraîcheur de l’air
A force de pleurer les feuillages s’étranglent
Qui donc aura mémoire dans l’action d’un éclair
Des pleureurs morts sans vivre en un monde épris d’angles
Les saules sont trop tristes la vie coule si pâle
Les alucites dénouent ce songe sidéral
©hervehulin2022