Mettez cinq français ensemble, hommes ou femmes, vieux et jeunes mêlés, pas plus qu’il ne suffit, rassemblez les dans un souper chez l’un deux, une soirée dans un restaurant, un barbecue à la campagne. Qu’ils soient des amis depuis longtemps, qui se connaissent bien les uns avec les autres. Jetez-leur un sujet de politique, faites-les parler du gouvernement du moment, de ses lois, ses actions. Ils diront que rien ne va, que tout va de mal en pis, et que ce sont bien des ânes qui nous gouvernent – aujourd’hui, car avant, au moins, c’était un peu mieux, naguère vaudra toujours mieux que maintenant, c’est ainsi, même si ce n’était déjà pas brillant. Et que si ce gouvernement est aussi mauvais, c’est bien de la faute de ce pays qui vote n’importe quoi ; les Français sont décidément des veaux, un grand chef d’état l’avait bien dit, il y a longtemps. Les routes sont déplorables, les écoles n’enseignent plus rien de bon, les hôpitaux ne tiennent plus debout, c’est tout ce pays qui régresse. Que voulez-vous en France on ne sait rien faire de bien. Alors qu’ailleurs, ici ou là, en Allemagne, ou Nouvelle-Zélande, là au moins les choses tiennent debout. Les Français sont bien trop curieusement façonnés, ils ne pensent qu’à leur nombril. Il n’y a rien à espérer, c’est leur destin. La France est un pays fini, ses citoyens sont idiots.
A présent, ajouter dans la composition un Anglais, un Japonais, ou un Italien dans le cénacle ; pire, un citoyen des États-Unis ; qu’il répète seulement ce qui vient d’être dit par ses convives sur ce curieux pays, et ces drôles de français. Sans changer ni le ton ni le propos. Vous verrez nos cinq français soudain furieux se tourner tout de suite contre lui. Ils se ligueront d’instinct, et feront front. Qui est cet étranger pour se permettre de tel propos, pour offenser ce grand pays qu’est notre nation ?
Un bien curieux peuple, composées de drôles de gens, une étrange nation qui se déteste elle-même mais déteste qu’on la déteste.
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