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Empédocle est un philosophe et savant grec présocratique du Vè siècle avant JC. Il fait partie de ces penseurs qui ont cherché dès l’origine de la sagesse à comprendre le schéma global du cosmos. Lui, voyait deux clés pour en saisir le mouvement: la haine et le désir.
Une légende raconte qu’il serait mort en se jetant dans le feu divin de l’Etna, abandonnant à la terre, sur les bords du cratère, ses sandales. Il aurait ainsi cherché à atteindre l’immortalité. Cette légende alimente les rêveries sur sa vie et sa philosophie : Hölderlin en tire une tragédie, La mort d’Empédocle, et Bachelard , théorisant un « complexe d’Empédocle » dans ses ouvrages sur le feu, caractérise ainsi le désir inconscient d’être consumé, détruit par les flammes, pour se rendre illustre à jamais. Jusqu’où nous emmène le désir d’immortalité?
Le complexe d’Empédocle n’est pas révolu.
Le samedi 9 juillet 2022, un touriste américain de 23 ans est tombé dans le cratère du Vésuve en voulant prendre un selfie devant les fumerolles et autres arrière-fonds de lave bouillonnante. Le jeune et intrépide touriste avait accédé au sommet du Vésuve par un sentier interdit aux visiteurs: pour être au plus près du feu minéral, il a pris tous les risques.
Alors qu’il prend la pose, déjà fébrile à l’idée de sa gloire, son portable à bout de bras, l’appareil lui échappe et file sur la dangereuse pente intérieure du cratère. Plutôt que d’abandonner son appareil sur place, notre moderne narcisse décide d’aller le récupérer. A quoi bon continuer de vivre sans ça? Mais le voilà qui perd l’équilibre et glisse sur plusieurs mètres dans la bouche du volcan. Très vite, les guides sont intervenus et ont secouru la victime. Faut-il les remercier?
Blessé, le jeune homme s’en sort miraculeusement avec quelques contusions, et bien sûr, des brûlures – méritées… Il a vraiment eu de la chance puisque le Vésuve fait 300 m de profondeur. Il sera accusé d »invasion de terres publiques » (telle est la qualification de la loi italienne) et condamné à une amende, conséquente et proportionnelle à son inconséquence.
On est prêts à tout pour glorifier sa propre image. Empédocle, homme sage, avait laissé ses sandales en se consumant; le selfiste compulsif, homme sot, préfère se consumer plutôt que laisser son portable. Le sacrifice de l’un, nourri d’une sagesse singulière, lui ouvre une immortalité de réputation et les clés du cosmos; la vanité de l’autre, exaltée par un aveuglement consternant, l’aura fait connaître du monde comme le modèle du crétin moderne.
Selon une étude publiée en novembre 2021, dans la presse espagnole, l’obsession des selfies aurait occasionné près de quatre cents décès accidentels.
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