I

A peine évanouie l’averse
Trois pas en suspens du ruisseau
Un songe aveugle à gué traverse
L’arche insoupçonnée des roseaux

Cette ancienne lueur pourprée
Oublie ses phrases infidèles
Sous les flots irisés d’ombelles
Tournoyant comme autant d’almées
Après la lumière

Tout aspect change et redevient
Un champ Un toit Une colline
Derrière le zénith éteint
Alors une autre ombre domine
Possédée de sèves nouvelles
Après la lumière

                                              II

Minuscule l’oiseau soleil dans ses rayons
Danseur fragile et ondoyant
Palpite dans le soir puis tressaute et se fond
Sous l’orage du flamboyant

Le ciel naguère fut brûlé
Là où seront tranchés les blés
Le hautbois ambré du désir
D’une mesure a fait tiédir
Le feu de midi qui s’efface
Dans l’inconstance saisonnière
Que de lignes brillent et passent
Après la lumière

Quand le jour a bleui la piéride neigeuse,
D’un rayon, s’est changée en argus azuré
Franchissant du figuier l’arc-en-ciel en veilleuse
Vers le jardin sauvé à la fin de l’été
Après la lumière

                                            III

La double splendeur du soir
Éblouit un vol de vanneaux
Qui désintègre son désir
Et disparaît dans son miroir

Fiévreux le vent a fait semblant
De déplacer d’un tremblement
L’avers argent des oliviers
Soudain couleur de pierre
Après la lumière

Les cimes sans tain des érables
Prolongent le fil des labours
Seul l’invisible est saisissable
Dans le hors-jeu du contre-jour
Par ce temps où roussit la terre
Et la pluie au fond de l’ornière
Après la lumière

                                              IV

Souvenir de la chrysalide
Avortée sans l’ultime étape
La ruine est froide et l’arbre vide
Loin du talus l’effraie s’échappe
Le vent est nu Le champ s’est tu
Après la lumière

Ouvrant son reliquaire affolé de miroirs
L’archipel de la nuit qu’enfin l’ombre délivre
Cache dans son baiser la promesse du givre
Livrant sur son écrin son diamant le plus noir
Après la lumière

                                              V

Témoin de ce qui passe
Témoin de ce qui reste
La longue-vue garde captives
Les constellations qui s’aimantent
Les figures changent et se reforment
Instruits d’une flamme chétive
Puis reviennent ascendantes
A l’heure où les ombres s‘allongent
Après la lumière

Alors tout est permis
Dans l’herbe éclairée des songes
Quand vient la nuit réconciliée
La vieillesse et le temps désormais sans usage
Toute chose enfin libérée                       Depuis la lumière.

 

 

 

©hervehulin