Pour craindre à chacun de ses propos de n’avoir pas assez d’esprit, il faut inévitablement manquer d’esprit ; cette étrange préoccupation n’occupe que ceux qui scrutant avec obsession l’intelligence des autres n’y voient rien de ce qui leur ressemble, et se trouvent fort dépités de ne pouvoir atteindre par leurs mots ou leurs convenances des sommets imaginaires qu’ils ont eux-mêmes inventés pour leur souffrance, et qu’ils n’ont façonnés que dans la piètre estime qu’ils ont d’eux-mêmes. Car l’utilité d’une conversation consiste en peu de mots à trouver ce qui est juste, pour le plaisir de partager le verbe, la parole, l’idée. C’est la seule forme de l’esprit, de nos jours, qui est encore opposable à la qualité des hommes, et l’indigence fatale des réseaux.
©Hervé Hulin2023