I

 

Ligne des couleurs
Jour qui faiblit tenace et lent
Frisson d’écume lointaine
Le ciel comme une armée de saules
Ombrage la terre vacante
Calme soupirs Espace en prière
Odeur de la terre sur les hauteurs
Reliefs qui s’espacent où les couleurs s’argentent
Distance accoutumée

Distance exténuée des montagnes si lourdes
Instant ensommeillé des brumes si sauvages
Le ciel pâlit La terre épouse une ombre plus sourde
Voici venir du monde un plus secret visage

Au front bleu des sommets les nuages flottants
Ecoutent se noyer la rumeur des cascades
L’automne approche O Vent qui va diminuant
Quel souffle emportes-tu dans l’été qui s’attarde

Des crêtes ciselées un masque de granit
Capte les feux du soir et du vide l’appel
Dans ce reflet subtil un murmure s’invite
Un élan de regret dans un bruissement d’ailes

Sur la pente assombrie la brume se suspend
Aux murs qu’invente en vain la lisière des bois
Dans les taillis frissonne une vapeur d’argent
Ephémère douceur Songe lointain qui bat

L’ombrage en s’inclinant appose son offrande
Aux ruisseaux de bruyère qui fondent un delta
A l’endroit où se perd la couleur de la lande
Les formes choisissent l’ombre contre l’état

A droite des cimes un pic reste esseulé
Sur ses flancs d’ébène deux cascades chavirent
L’une dans la bruyère Echo plus isolé
L’autre dans l’abîme où la nuit déjà respire

A l’ouest nimbé de cuivre et de marbre ruinés
La plaine sertie de cours d’eaux
Ouvre et ferme l’espace au gré de ses bosquets
Hasard des distances Combien de ciels nouveaux

L’ombre mauve qui gagne un étang lumineux
Enchante d’un soupir un peuple de roseaux
Un mouvement discret délivre l’air anxieux
Les chênes ont lâché un envol de vanneaux

Volés par l’horizon au secret de la plaine
Les oiseaux d’eau s’en vont cavaliers des distances
Leurs arbres se figent comme une ville ancienne
Cruelles racines Si triste est l’espérance

Par-dessus la cascade un pauvre pont qui erre
Ouvre au bout de sa trace un lien vers le temple
Perché sur son rocher celui-ci se resserre
Dans la pénombre hantée par la cloche qui tremble

A l’autre bout du pont s’endort un belvédère
Accroché au basalte il s’obstine en sa veille
Une atmosphère étrange a voilé la lumière
L’orientant sur la plaine où guettent les merveilles

Comme un profil gravé dans l’éclat d’un vitrail
La carnation du sol est un fleuve qui germe
Courbe silencieuse d’un espoir qui se ferme
Le soleil las de battre a baissé son ventail

De la sorte éclairé un sentier se détache
Vers l’étang vénérable Une faible silhouette
Avance d’un pas lent dans l’herbe qui s’efface
Sans doute est-ce l’âge qui lui courbe la tête
Le bruit nu d’un sanglot a effleuré l’espace
Ivresse enfuie Source du soir Cri de la chouette

II

Je suis le voyageur apaisé par sa course
Voici quarante années que j’ai pris ce chemin
De l’horizon craintif la distance m’est douce
Mon âme de la terre imite les confins

Pas après pas j’avance et le temps avec moi
Souriant s’est changé en complice distant
Je regarde le sud je fixe le noroît
Je nomme à mon humeur les astres existants

Comme un arbre en hiver qu’argente le grésil
Je capte la lueur qu’un fleuve peut cacher
Douceur amère de l’exil
Sans l’obsession vécue de sa destination

Un rivage inventé me suffit pour marcher
Et les songes sont neige où le vent se partage
Les pas illisibles sont frêles primevères
Senteur des fleurs d’automne Essor des oies sauvages
Dans la saulaie enfuie s’enivre l’éphémère

Embarcadère si seul dans la buée du soir
Que le monde est construit de fragiles figures
Dont seul le sable fin bâtit l’ordre et l’épure
Et ma trace est tissée d’invisibles miroirs

Mes larmes au réveil changées en papillon
Du ciel j’anticipe le sillon sidéral
Du trèfle à peine né l’avenir virginal
Et des jours silencieux la tragique moisson

A la nuit je fais don de la suée de ma peau
J’entends pleurer la grive et le temps moins sévère
Sur cet accord reprend cet arpège ternaire
Comme une étincelle dont la brume est l’écho

Vous les pluies O mes sœurs aux méandres si clairs
Vos murs d’argents gorgés d’une arche de tendresse
En frayant vos escadres libèrent la promesse
D’orages bienveillants dont mon cœur est l’éclair

Je connais le silence et je connais l’espace
Je perçois les contrées qui séparent les mers
Et je comprends l’hiver comme un avenir vert
Je devine du jour le demain qui s’efface

Mon chant
Tel un feu pâle
Glisse sous la brise
Ni dehors ni dedans
J’ai traversé  des couleurs si nues
Que les prismes s’aimantaient
Je sais la démarche lente des caravanes
Je sais la foudre du léopard
Je sais de l’univers l’éternelle pavane
Je sais le nom secret du soir
Et l’immense arche-émeraude du désir unique
Ainsi tu sauras que c’est dans le soir
Que l’horizon et son peuple d’arbres
Et son train de nuages
S’éprend de toi
Plus tard à l’âge où l’écorce se tend
Tu sauras donc que les formes que tu croyais sombres
Captent bien des éclats pour semer des teintes révélées
Regarde bien sous les lignes

Et tu réveilleras des volumes brumeux
Et tu t’éveilleras tel un enfant heureux
Mais que sais-je en cela du nom des paysages
Bijoux du clair de lune Offrande d’un naufrage

Où vont ces saisons qui ne cessent jamais
Ces flots inutiles ces marées immanentes
Ces lémures lassés et ces spectres dociles
Les secrets des amants ou le nom des ancêtres
L’étreinte de soi-même et cette force d’être
Et le soir est en moi ce fœtus invisible

Mais sous ce nom secret que le soir seul prononce
Je reconnais le trait d’un archer qui me charme
Toujours la nuit imprime une lourde réponse
Je suis le voyageur et nul n’entend ma larme

III

Ame te souviens tu de ces promesses
Les lignes entaillent des rues de silices
Les rossignols sont achevés comme un parfum d’avril
Toute la nuit ensoleillée déclame
La gloire et le triomphe des étoiles assouvies
A la proue des heures factices les neiges se détendent
Sous des branches ramassées des fourmis miment les galaxies
Glisse le pas furtif du double sommeil
Se referment les yeux et apparaît la rive
Qui ouvre les paroles et le cycle des oiseaux
Se fige la rivière envolée d’un battement d’étincelle
Passent les ciels et leur blanche pudeur
S’embrassent les constellations
Et ces corolles en parures pour nous dire
Que vivre est un flocon dispersé par la brise
Les rêves font un vase orné de cicatrices
Courbées sont les lignes que nous dressons
Agées les semences de la vision
Début et fin de la lumière assise contre nous
En même temps gisante et si vivante
Si rêveuse et si aveuglante pourtant
Comme un félin secret trahi par sa tracée
Les nuages écoutent les voix que l’ozone suggère
Comme le vent de croire affolé dans la mâture
Se change en lys et puis se meurt
A présent que les fruits sont rebelles
Que vont changer les ombres de ces journées dominées
C’est un rythme bien reconnaissant que celui de ces marches
Qui tant de nuits ont dormi sous l’autel
Désormais désert où les lierres poudroient
De ces étoiles de graminées menteuses
Les bergers assoupis laissent filer la trace
De ces glaciers finis où donc a sombré le glossaire
Des ces pans léthargiques où vibrent les oryx
De ces grandes pluies Souveraines nostalgiques
La nuit fleurie fait un paradis de sa cendre
Là se dressent des caresses vieillissantes
un baiser de sommeil glisse tel un écho
dans le désert  aux épaules découvertes
c’est toujours la peau nue qui parle
et vivre est douceur impavide à ceux  qui le dénudent<
toujours le flot des moissons qui vente est
une ombre d’oiseau
multiples extases du soleil
lui-même reflet de l’eau qui dure
il fait clair sous la lune du désir
comme une sensation de soif qui passe et vous fait meilleur
Ah…printemps perdus Quand vous retournerez vous encore
Quand donc reviendront les mirabelles
Quand reviendra de l’envie cette source si belle
Ame te souviens tu de ma jeunesse
le paysage à présent se délace comme une femme
rien ne reconnaît plus sa lente éternité
dans l’ombre qui le gagne perce un sillon d’azur
et ne pouvoir le dire est une aveugle flamme
O triste flamme

IV

Mais ne sois pas triste O mon fragile écho
A l’heure où les cygnes s’effacent

Patiente et veille
Toute chose assoupie te reviendra  Merveille
Et sois toujours tendre avec la Terre

Les collines
Elles sont terre frissonnante
Elles sont vie et ligne d’un corps
Le désir en leur chevelure se perd
Elles sont l’herbe qui se retrouve
Et le vent qui s’enchante

Ainsi toujours errant loin du pays natal
J’ai si souvent prié pour que le jour ne cesse
Que le temps sur ma peau ralentit sa caresse
Comme un dernier vaisseau dont faiblit le fanal

Et l’aube en vacillant exhale un trait de miel
La clarté prend refuge où s’avance la pluie
Je m’endors sans prier sous les temples du ciel
Bientôt s’effacera cette arche inaccomplie

Comme le jour capté sous l’étain blanc des flaques
Renvoie au ciel moqueur un éclat vivifié
Mon œil garde en lui-même une espérance opaque
Que nul songe au soleil ne soit plus sacrifié

Mais le pays qui passe en moi reste gravé
Alors qu’en s’éclairant le nuage s’entrouvre
Il me fait don d’un pacte où l’espace est sacré
Ainsi toujours en moi les lointains se retrouvent

Animal je suis l’ombre au matin qui résiste
Sans élan avéré que cet effleurement
Minéral je deviens un roi en son gisant
Sans parole qu’un souffle au soir volé Si triste

La lumière offre un fruit aux lents vergers du jour
La vie laisse en partant sa plus royale esquive
Le monde est un secret du plus parfait amour
Mais rien ne chante autant que l’éclat de l’eau vive

Souvent le plus beau songe enfante un pur mensonge
Comme une ondée révèle un mystérieux versant
Quand l’herbe de la nuit sur ces pentes s’allonge
J’entends sourdre en mon âme un étrange océan
Et dans mon cœur vaincu par ce dieu qui le ronge
Ce soleil rouge et noir dont la nuit prend le sang

 

 Exercice II. Le jardin.

Lorsque la brume sera dissipée par la caresse du jour
Il faudra se porter au centre du jardin.
Puis attentivement, se garder en mémoire
De la fleur et du sable un ferment de mémoire
Pour retrouver intacts la trame et le dessein

de ce lointain paysage oublié qui vivait là dans son empire bien avant que ce monde –  ses arbres, ses eaux, ses pierres – se ploie devant la loi des hommes et leur goût de la ligne ordonnée jusqu’au coeur.

Pendant ce temps les dieux lassés voyageaient  de colline en collines  à défaut de temples préservés Ignorant des prières détournées.

Fermer les yeux pour bien s’orienter, retrouver la source enterrée
Donner un nom à chaque angle du paysage défunt  selon votre propre image Tout est ainsi à recommencer C’est bien là vertu de la brume et des sanglots de la terre.

 

I

Un soupçon de clair
Vers la voûte distancée
Incision d’or sous la pénombre
Une veine fragile de safran qui bat
Et une rumeur large qui roule
Odeur forte Bleu marine
Et des stries de verres visibles noires
Les nuées alourdies d’un passé de pénombres
Comme une harde ancienne ondulent et s’étirent
Quelque chose aux aguets dans son halo se tend
Un miroir de l’espace où vient s’ancrer le jour
Peu après un échelonnement de lignes
Que soutiennent la distance de l’ombre et l’immensité de l’eau
Entre deux surfaces
Pâleur captive
La nuit rétractée dans son déclin
Abandonne à son propre sillage
Une courbe neuve
Suspendue à l’air vif
Vers le si vierge lointain comme un soupçon de feu se détache du ventre des nuages
L’idée de l’horizon revient à la surface
Et s’anime solitaire sous ses noces ardoisées
C’est là jeu complice de l’âme et de la mer
Celle-ci dérobant à celle-là
Son mouvement, son éclat, son lumineux étiage
Quand la nuit affaiblie si claire en son grand âge
Très lentement remonte

Puis
Telle sensible prière
Mirage ou existence
Un brillant bandeau d’améthyste s’étend
Au lointain bleu dont la période épouse et confond d’une même rumeur
L’espace en sa pleine mesure
La mer la mer la mer

Présage
La mer est ce cheval dont l’étoile est noyée
Le jour ainsi novice émergeant sous son voile
Transgresse en s’échappant la lisière de l’aube
Lumière enfant fragile au regard qu’émerveille
Cet indistinct soupçon qui rassure et qui veille
Heures exténuées heures sitôt tremblantes
Longtemps recluses sous de nuageux cocons
La brise un peu triste tranquille en ses embruns
Se mire dans la peau si blanche de l’espace
Quand un frisson bleuté  en saisit la surface
Son mouvement ailé enfle du petit-jour
La voile élusive dont la tache écrue gagne
Sans oser rien dire encore
Tandis que la nuit se consume
Au feu limpide du matin
Tandis que ses lignes poreuses s’échangent
A chaque flot chétives
Tandis qu’une arche reconnue se soulève au levant
L’émail du ciel marin est niellé
D’un réseau d’émeraudes
Au phosphore vainqueur sous la surface des flots noirs
Il avance
Lac de lumière

Voici la mer enfin reconnue
La mer la mer la mer

Matrice de l’horizon
Son matin une fois encore teinté de cendre pâle
En ces lieux froids du monde
Décante un suint d’argent
Son histoire renouvelée dans le glissement lancinant des flots vers le rivage si vert aux liquides cimiers
Et le soleil est bien bas sur le monde
Finalement
Quand le jour se lève
Blotti contre la mer
Il nous semble toujours plus proche et docile
Qu’au midi lorsque sous ses feux
La pierre  brute se fait plus dénudée
Parfois pesant parfois craintif
Souvent traversé de pompes familières
Il nous accompagne

Vivante matière en travail
Ne jamais négliger les fragilités avouées du levant
Pour saisir ce qui peut te fortifier dans cet instant connu
Que ceci est vivant

Doué de bien de patience
Finalement

II

                               A l’ouest ensuite
Sur l’ivoire invisible des falaises
L’astre débutant dépose
Une offrande grenat frappée d’or souple
Lovée dans son écrin où midi se terre
La mer se contemple enfin dans l’icône des falaises

Miroir de la brume
Où se tient captif un reflet qu’éternise la terre
Tout change tellement avec si peu de soleil
Une crique bouillonnante
Blesse le rivage
Poudroiement d’oiseaux de neige
Les à-pics aveuglants
Veillent au bonheur des goélands
Choral accoutumé des ressacs
Et l’air est alors un ami plus fidèle
Danseuse en extase traversée de sauvages mousselines
Telle première page d’un livre d’écume

De mille fleurs invisibles sous une armée de plumes
La vague prolonge bien au delà du rivage
Sa chevelure anxieuse et son soupir armé de flocons bleus
Honneurs portés par milliards
Vers le sol dominant
Et sa puissance

A présent que le jour est tissé d’une manne de lilas
Se distinguent
Derrière les falaises
Pas plus d’un jet de pierre
Dominant les pentes herbeuses
Quatre mégalithes à la gauche du levant
A leur flanc mystérieux
Un reflet d’or se consume
Et s’évanouit avant que d’avoir osé vivre
Le vent en sifflant les contourne
Le minéral caresse l’air
Comme deux corps qui se refusent
Entre les colonnes massives
Les ondées si souvent ont capté la lumière
Et l’ardeur assouvie des tempêtes anciennes
Si souvent a frayé cette peau noire
Où toujours ingénu n’ose parler le soleil
Leur faisant face
Vision de la lande
Où palpite la bruyère
Tant de promesses dans ces vibrations du monde
Tant d’évènements dans ces frayeurs ascendantes
Et tant de silences dans cette bruine de mer
Voici
Sombre épiphanie de la matière
La terre si douce étendue où la rosée se meurt
Si familière
De la lande la houle légendaire
Proclame un azur végétal
Un élan           Vaste élan court vers la mer
Le vent existe immobile rumeur à l’horizon rivé
Tel un royal voyageur incline vers le sol
Sa figure alourdie de joyaux sacrifiés

Voici que la vision s’anime
Les frondaisons rouges reprennent la cadence
Les fougères en foule étoilée recommencent
C’est un paysage de la terre qui danse
Triomphe des plaines
Les couleurs de la terre qui s’apaise
Changent les couleurs du ciel qui s’évente
Là bas ce sont des lignes et des collines honorées d’ères pluviales
La noce des rivières rameute ses ruisseaux
Pour une mer enfantée de mille souffles d’enfants
Sur ces contrées où si souvent transhument les pluies froides
L’eau et l’herbe et la terre
Ont échangé leurs contours
Pour un monde meilleur
Protégé des prédateurs
Un monde sans saisons ni frontière
Comme une âme brouillée de bruine
S’efface et navigue au frémissement du ciel

Le matin fragile
Respire et puis ment à la fois
Un souffle nocturne exilé dans sa peine
Croît encore Centre assiégé de tant de mondes
En vain des regards s’éclairent
En vain des prières s’éteignent
Quel ange vaincu bat contre notre âme
Vent qui ne cesse de heurter au ventail de notre corps
Tout ce en quoi le jour imite l’or des songes
Passe vivant verger de peu d’émeraude
Et cet instant nôtre à force de faiblir
Une fois franchie la nuit libère une rose peu sanglante
Toujours ainsi l’arbre cache un azur empourpré
La distance souligne ce peu de flamme qui fait de vivre
Un soupçon d’adoration mauve et furtif
Tant de vagues éventées, tant de nuées complices
Des plaines fertiles cachées dans l’ombre des vallées
La côte encore embrumée tisse un souvenir
Plus vivant qu’une constellation d’oiseaux de mer
L’instant est ce palais si rare où les songes ressourcent
Un filet d’azur et notre enfance
Que chaque flot ait un sens où chercher le combat
Du doux mal de vivre

Etendue de craie verticale
Aux bras grands ouverts aux marées
Les mots cisèlent en écume un chant de gratitude
Que le désordre de parler emporte la mer
Et le monde avec qui se refuse à s’oublier
Sur le bord des falaises un peuple de myosotis
Clame ce soir la fin des recommencements
Et si ce soir avec l’automne tout s’achève avant que d’avoir blanchi
Que tombe enfin le voile sombre du plaisir
Il n’y a pas d’autre monde que celui qui meurt

Tandis que le soleil du nord
Se hisse à ses remparts
Ce sont des bois et des champs
Des houles de bleuets espacent les labours

Des toits et des clochers
Où la lumière avive de brillants étendards
Un jour il sera midi
Ce mystère qui vibre sous sa ligne d’ombre
Le perçois-tu ?

 

III

Terre de peu de trouble où le brouillard s’invite
Les rêves s’en sont allé
Par cette porte d’altitude
En nous laissant
Du sel du sable et ce désir fou de stupeur
Plus loin encore
Par delà cette nouvelle ligne
Se devine la forêt et son profil
Sous les arbres
Des entrailles se nouent
Cette obscurité de nos forêts engendre des songes verts
Et des désirs anciens
Des couleurs bien à nous
Et des histoires pour faire passer l’hiver
Mais dont le sens gît derrière le cœur et son mystère
Nous ne voulons pas voir
Alors que pouvons-nous savoir
Le monde il serait doux de ne le comprendre que naissant
Toujours à l’origine
De son baiser d’or pur
A son avenir jamais
Nous avons bien de la peine à survivre
Et cette sphère décomposée
Nous est chère à force de blessures
Tout est si pâle au jour levant
Bien des siècles finiront
De la sorte à peine nés
Tant de choses inaccomplies
Si douces comme un été
Comme un flot dans les flots
Se perd tout est vanité
Et pourtant tout est recommencé
Et nous
Simples oiseaux aptères
Que pouvons-nous donc faire
Contre nos frères les écueils à la peau noire
Que nous honorons de lettres blanches
Moi tournant le dos à la terre
Je contemple la mer
A son front calme un liseré de brume
A ses flancs souples une ombre de sienne
J’attends ce temps que j’ai si peu connu
Au loin sur les flots blancs
Glisse une barque fragile
Personne à son bord
Les nuages descendent sur la vague
Et le lointain dévore
La barque
Son mouvement
Son rythme et sa portée
Et la mer la-dessus recompose
Sa solitude étoilée
D’où viennent ces filets de lumière qui enserrent les flots

Distances Distances
Dévoilez-moi vos clefs
Donnez-moi de ce souffle qui bat
Pourquoi donc ainsi ne pas vivre en vrai
Dans les pins refroidis qu’est ce qui siffle
Contre les falaises antiques qu’est ce qui luit
Sous les fleurs sauvages qu’est ce qui monte
Si loin dans les labours une pesanteur dénonce
Une fin approchée et cent fois évitée
Toujours souveraine
A droite des collines
Terrée dans un ressaut d’argile un bois de pins
Domine avec amour une masure en ruine
Qui donc a vécu là
Brille encore un carreau brisé
Que rien jamais n’aura réparé
Le cœur est alourdi d’un sentiment secret
Et vers le sud                                          la mer la mer la mer
Soulève un manteau de marbre changeant
Les flots ses fils rebelles sont un chœur rémanent
Dont l’accord gronde encor quand son chant s’est perdu
Et d’un dieu fatigué
Les angoisses mortelles
Sont ainsi renouvelées
Souffle d’âme vive
Es-tu là ou ailleurs
Dieu ! Qu’avons nous fait de nos rivages
Un chant de tristesse
Mais au nord où dorment des collines mauves
Quelque chose qui reste
Lointain et proche des falaises

Des bosquets et des rochers
Quelque chose n’a pas bougé
depuis que le jour a tremblé
Et ce qui dort tel un ruisseau nouveau
Exhale une quiétude cherchée depuis douze heures
Depuis que l’ombre est l’ombre
Et que l’homme est cet homme
Qui sort de l’ombre sans savoir où est l’or
Mais les paysages sont de grandes histoires
Et leurs pentes affinées tant de mots si peu prononcés
A l’écoute des saisons ils essaiment de silencieuses mémoires
Et l’éclat d’un cristal inachevé
Viendra ce temps utile que les ombres s’effacent
Et les hivers fertiles            Et les rivières antiques
Viendront les heures que les miroirs se troublent
Et ce que le monde en cette vue nous donne
Perdure
Soleil au ras des flots
Quelque chose qui ne change pas
Alors dans la tendre torpeur du jour qui rêve
La lumière change son angle
Le vent change sa voix
Demain devient un jour possible
Lumière qui avance
Chimère qui renonce
Vous autres songes en souffrance
Dites nous seulement
Cette consolation tardive
Dans la vision de la mer Vois tu

Il y a toujours comme un balancement
Et c’est ce doute qui pour nous
Si humains et si fatigués
Nous donne la bonne nouvelle
Car rien n’est jamais su
Qui ne soit à réapprendre tôt ou tard
Et cet esprit fugace dont je te parle
Sera désormais le frère fidèle
Que nous n’avons su te donner
Prends-lui la main
Ne le perds pas
Il te retrouvera
Toujours

L’horizon
Il est la ligne qui convient
Le partage et sa distance
Il est stupeur argentée
Et le signe où le désir s’oriente

Nomme à présent cinq horizons distincts dans ta mémoire
Puis aligne-les dans l’ombre de ta vie
En lignes serrées
N’oublie pas la combinaison précise des teintes et des regrets
Qui es-tu
Réponds réponds à cet éclat tranquille
Fière de ta torpeur minérale
Belle de ta parure de lichens
Dans la pose du renonçant
Bienheureuse
Qui donc es-tu
Petite tombe qui dure ?

 

 

Première leçon. exercice I. 

L’horizon

                 L’horizon cette ligne barbare cette pulsion incolore est propice à se recomposer

Se positionner sur la jetée loin des bruits des hommes et de leur odeur triste

Fixer l’horizon longtemps et longtemps et encore et encore et enfoncer le trait dans la rétine et fixer encore jusqu’à ce qu’il vous saute au visage Puis ne pas reculer mais devant la pénombre de lumière rouge des paupières fermées redessiner d’un trait unique sans lever de crayon une trame
verticale/ vous changerez la couleur de fonds à trois reprises pour approprier cette nouvelle forme Enfin, vous enflammerez d’un seul battement de cil cette nouvelle dimension de l’horizon désormais sans objet.

Revenir ensuite à la ligne initiale.

Et les hommes alors effarés regardaient cette distance évidée qui ne séparait plus le ciel de la mer

 

L’acier du ciel fond sur les toits
Un fard délavé dégouline
Sur les clowns tristes des façades
Les nuages sourient d’un ancien désarroi
Et la pluie succède à la bruine
Même les cimes sont malades

Où va la lumière ? La rumeur
De l’uniformité atone
Se perd aux angles des dédales
Quelle lumière ? Dans l’humeur
De la mélancolie qui sonne
Revient le soir blanc qui s’affale
Plus le vent et l’espace

La chair du ciel a perdu ses
Contours depuis si longtemps
Et dans la nausée des nuages
Qu’effeuillent les vents délacés
Les yeux sur le cœur on attend
L’éclaircie au cœur nu et sauvage

Gouaches épaisses
De pierrots aimantés vers l’antre du métro
Que la vision folle délaisse
Sur les cubes sages des coupoles vagues
Ça veut rêver autre chose Une innovation ?
Plus rien ne va C’en est trop
Tristesse du ciel Chagrin clair Plus les larmes
Mais arrêtons la plainte et reprenons le charme.

Sitôt la première heure évanouie

Les rayons honorent

La vapeur intime des mots

Dans la prairie incolore

Tandis qu’à midi les feuilles transforment le soleil

Délié dans sa buée qui expire

 

Images de saisons semblables

De courbes et de fleurs blanchies

Écoutons le son des vibrations sous le sable

Des silences précieux et du givre fertile

Images du vent

En noir et blanc

 

Sitôt la porte relâchée

L’espace s’émeut Le mur est pâle

Un courant d’air sursaute

Et pose un semblant de rime sur

L’existence d’un rideau

Où l’espoir respire

Er respire

Et respire

 

Pourquoi ai-je si peu vécu ?

Sable mobile sous l’eau pure

Pour les névés des aubépines

Où s’exténuent l’ordre et l’éveil

Pour la torpeur floutée de l’aube

Où nul moment se renouvelle

Et l’extase et l’insomnie

Pour les distances hors-échelles

De l’enfant jamais revenu

Voilà pourquoi si peu vécu

Ai-je donc déjà tant vécu ?

Dans l’antique jardin les bourgeons

Restaient bourgeons Mais renonçaient

Aux années discontinuées

Dans la clandestinité qui ont dévoyé

Ce songe nu au cœur du cercle

Et caresser l’espoir des marges

Comme la pluie qui passe et brûle

Sur la cendre d’avoir vécu

Pourquoi ai-je si peu vécu ?

Le front posé sur ces matins

L’instant semblait moins imparable

Les jours suivants les jours s’essoufflent

Et rien ne sait restituer

De l’hiver le pâle flambeau

Ai-je donc tant vécu ?

Les minéraux se sont lassés

De ces aspérités faciles

Cette absence en cheminement

Qui relie le cœur à l’étoile

Pourquoi ai-je si peu vécu ?

De l’iris le pétale hanté

Effleure le sol et le flot

Lumière es-tu si pâle

D’avoir si peu vécu

Pourquoi ai-je donc tant vécu ?

Témoin du contre-jour

Pour l’étoile dessous l’obscur

Et l’innocence dans l’eau pure.

(extrait de « Seconde leçon de paysages »)


                                                     

I

Je suis le voyageur apaisé par sa course
Voici quarante années que j’ai pris ce chemin
De l’horizon craintif la distance m’est douce
Mon âme de la terre imite les confins

Pas après pas j’avance et le temps avec moi
Souriant s’est changé en complice distant
Je regarde le sud je fixe le noroît
Je nomme à mon humeur les astres existants

Ainsi toujours errant loin du pays natal
J’ai si souvent prié pour que le jour ne cesse
Que le temps sur ma peau ralentit sa caresse
Comme un dernier vaisseau dont faiblit le fanal

II

Comme un arbre en hiver qu’argente le grésil
Je capte la lueur qu’un fleuve peut cacher
Douceur amère de l’exil
Sans l’obsession vécue de sa destination
Un rivage inventé me suffit pour marcher

Et les songes sont neige où le vent se  partage
Les pas illisibles sont frêles primevères
Senteur des fleurs d’automne Essor des oies sauvages
Dans la saulaie enfuie s’enivre l’éphémère

III

Embarcadère si seul dans la buée du soir
Que le monde est construit de fragiles figures
Dont seul le sable fin bâtit l’ordre et l’épure
Et ma trace est tissée d’invisibles miroirs

Mes larmes au réveil changées en papillon
Du ciel j’anticipe le sillon sidéral
Du trèfle à peine né l’avenir virginal
Et des jours silencieux la tragique moisson

A la nuit je fais don de la suée de ma peau
J’entends pleurer la grive et le temps moins sévère
Sur cet accord reprend cet arpège ternaire
Comme une étincelle dont la brume est l’écho

Vous les pluies O mes sœurs aux méandres si clairs
Vos murs d’argents gorgés d’une arche de tendresse
En frayant  vos escadres libèrent la promesse
D’orages bienveillants dont mon cœur est l’éclair

IV

Je connais le silence et je connais l’espace
Je perçois les contrées qui séparent les mers
Et je comprends l’hiver comme un avenir vert
Je devine du jour le demain qui s’efface

Mais que sais-je en cela du nom des paysages
Bijoux  du clair de lune Offrande d’un naufrage
Où vont ces saisons qui ne cessent jamais
Ces flots inutiles ces marées immanentes

Ces lémures lassés et ces spectres dociles
Les secrets des amants ou le nom des ancêtres
L’étreinte de soi-même et cette force d’être
Et le soir est en moi ce fœtus invisible

V

Et l’aube en vacillant exhale un trait de miel
La clarté prend refuge où s’avance la pluie
Je m’endors sans prier sous les temples du ciel
Bientôt s’effacera cette arche inaccomplie

Comme le jour capté sous l’étain blanc des flaques
Renvoie au ciel moqueur un éclat vivifié
Mon œil garde en lui-même une espérance opaque
Que nul songe au soleil ne soit plus sacrifié

Mais sous ce nom secret que le soir seul prononce
Je reconnais le trait d’un archer qui me charme
Toujours la nuit imprime une lourde réponse
Je suis le vieil errant et nul n’entend ma larme

VI

Mais le pays qui passe en moi reste gravé
Alors qu’en s’éclairant le nuage s’entrouvre
Il me fait don d’un pacte où l’espace est sacré
Ainsi toujours en moi les lointains se retrouvent

Animal je suis l’ombre au matin qui résiste
Sans élan avéré que cet effleurement
Minéral je deviens un roi en son gisant
Sans parole qu’un souffle au soir volé Si triste

La lumière offre un fruit aux lents vergers du jour
La vie laisse en partant sa plus royale esquive
Le monde est un secret du plus parfait amour
Mais rien ne chante autant que l’éclat de l’eau vive

VII

Souvent le plus beau songe enfante un pur mensonge
Comme une ondée révèle un mystérieux  versant
Quand l’herbe de la nuit sur ces pentes s’allonge
J’entends sourdre en mon âme un étrange océan
Et dans mon cœur vaincu par ce dieu qui le ronge
Ce soleil rouge et noir dont la nuit prend le sang

 

I

Comme un essaim noyé par un soleil pluvieux
Le silence esquisse sa blanche parenthèse
Et soudain rayonnant quand le jour se fait vieux
Se fond dans la nuée des heures qui s’apaisent
Tandis que leurs reflets renaissent sous les yeux
Le silence esquisse sa blanche parenthèse
– L’âme du ciel est évasive-

O volupté simple dans le fil droit des âges
Vivre en vain veut s’éteindre où la flamme s’agite
Les dormeurs si obscurs derrière leurs visages
Effacent les chaînes de l’envie éconduite
Et des passions perdues l’inlassable poursuite
O volupté simple dans le fil droit des âges
Autant d’heures inoffensives-

Tout entier absorbés dans ces embrassements
Les dormeurs dérivent sous un vent libéré
Leur voilure invisible a déjà oublié
Du jour et son effort les rayons harassants
L’âme au creux de l’ombre va se réfugier
Comme un feu absorbé dans ses embrassements
 – Oiseau voleur es-tu en veille ?-

Seul le cœur éclaire la raison qui s’endort
Dans l’abîme entrevu aux distances majeures
Où tant d’estuaires s’ouvrent dans un flot d’or
Mais si le miracle vibre ainsi dans les corps
Où donc de nos âmes nous attend la demeure ?
Dans l’abîme entrevu aux distances majeures
– Les peaux nues baignées de vermeille-

Comme neige un sommeil gris, l’abîme se fond
Sous la ligne d’argent d’un soir mélancolique.
Nous dormons. La vie passe et enfin, nous dormons…
La nuit délacera tous ces masques tragiques
Et nous redeviendrons de pâles embryons,
Sous la ligne d’argent d’un soir mélancolique.
 – L’humain est vivant cimetière –

Si la nuit aveugle parle aux astres éteints
Ruinant de l’éveil le cycle et le carcan
C’est tout un univers éploré qui se plaint
Souffle et couleurs mêlés dans l’eau d’un même instinct
Le temps se transfigure en capricieux volcans
Ruinant de l’éveil le cycle et le carcan
-La lune est fidèle ouvrière ! –

Comme un pétale enfui d’un halo de senteurs
Colore ce versant ombragé de la vie
Une vapeur bleutée de lave inassouvie
Embrase la clarté tranquille des dormeurs
Jusqu’au rivage oblique où danse un soir de pluie
Comme un pétale enfui d’un halo de senteurs
-Battement d’ailes Argent d’étoile ! –

Mais alors que le cœur ne bat plus qu’indistinct
L’alcool pourpre du corps s’exhale en cent matins
Nous dormons Les ailes de l’insomnie balayent       
Les amers du cerveau où la raison faseye
L’aube est ténébreuse dans ses draps de satin :
L’alcool pourpre du corps s’exhale en cent matins
– Ombre et soleil, sauvages voiles ! –

II

Hypnos enfant survole et surligne l’espace
Son regard ne dort pas il ne s’endort jamais
Son cercle halluciné dans la nuit qui se lasse
S’épuise à se chercher Qui pourrait l’en blâmer ?
Le dieu trismégiste sous ses paupières fauves
Incendie nos songes dans ses tièdes alcôves
 – La pluie passe sur les gisants –

Les dormeurs naviguent, hautains et voyageurs,
Accostant leur royaume aux mouvantes frontières.
Là où le seuil a soif, où faiblit la lumière,
Résonne en murmurant un tourbillon d’orages
Que n’apaiseront ni le sommeil ni les âges.
Mais où dort donc le pays des dormeurs ?
 – Combien d’anges et d’océans ? –

III

Des hommes sans regard l’étincelle diaphane
Vacille et se change en forêt
Hiver secret des mots Neige cachée des sens

Dans ce vertige dont ne cesse la transe
Un rayon émane
Un vieux et gros soleil entend remuer sa panse
Comme un cerveau hanté d’un sablier qui dure
Loin du désert et des tortures

La surface appuyée succombe
Médiane en transparence
Et dans un renversement vertical
Devient nuit soudaine

Juste sous l’angle abstrait des paupières closes
Se régénère en vain l’invention de l’éveil
Dans le signal tremblant d’un frisson de roses
Des mots forgés d’argent se teinte de vermeil
Mais aucun son ne porte Au seuil voilé des limbes
Le dieu blanc passe et va, insomniaque, et triomphe
Versant dans l’abstraction des abîmes qui gonflent
L’élixir résurrectionnel du sommeil

A ce point du flux et de l’espace
(déroulement de l’invisible)
L’opacité se retourne
Et redevient surface

L’optimiste sommeil, problème inconsistant
Noie ses flux et son chant O berceuse pareille
Aux zigzags empourprés de l’hésitante abeille

Brulant son sillage d’orient à occident
Un triangle inconscient stabilise la voie
Des champs de chimères tourmentées d’oiseaux pâles

L’horizon alourdi de tant de nuits vidées
Transgresse le poli affolé du miroir
Le sommeil s’est enfui au pays des dormeurs

Dans le cercle d’un sort jamais rompu il sème
L’inintelligible halo de son pollen
Chargée de fleurs vieilles et de lustres fantômes
L’insomnie se retourne enflée de laudanum

IV

Car chaque fois que nous dormons
De la mort le sillon inachevé appelle
Cet élan alangui d’une pâme éternelle
Comme un ultime éclair au bout de l’abdomen
L’arc-en-ciel et la flamme éblouie du noème
Et nous – les initiés, les éveillés – vivons !

 

 

©hervéhulin2023

La lumière est douce au linteau du temple
Quand sous la ligne le pas du silence
Lâche son voile nuptial puis danse
Dans ce cercle que cent astres contemplent

Combien d’étoiles ont ainsi viré
Au gré des brises aux jeux sinueux
Combien d’aurores captées dans les yeux
De ces migrateurs si tôt chavirés

C’est un reflet c’est un soupir,
Une lumière qui ruine sa trace
Et dans l’âme un reflet qui s’efface
Qu’aucun temple ne fera revenir

©hervehulin2023

 

A l’Orient le soleil décline
Comme un vieux maître fatigué
L’obsession de regagner sa ligne
Emporte les jours et les années

D’un trait simple du haut vers le bas
Les narcisses au bord du chemin
Aveuglent d’étoiles faciles
La droite qui s’éloigne du trait

Tourmentée d’un effet de grâce
Comme la sterne perd son cap
Souvent je contemple cet axe
De l’astre qui va et revient

La nuée se coule avec le plomb
Visitant la terre et ses diamants profonds
J’ignore encore quelle est la droite qui me tient.
Et pour l’éternité je fixe le plafond

 

©hervéhulin2023

Un trait d’or aveuglé tremble sur la fenêtre
Les traces d’encre disparaissent
A peine empourprée l’aube pointe
Là-bas s’achève une caresse
Les secrets de la nuit éteinte
Nous imposent ce choix entre la chose et l’être
Fièvre adoucie chaque jour
Brûlure d’un triste velours
Rougi sous la plaie et la lèvre
Où déjà solaire le zéphyr se relève

J’espère du plein-jour le rayon somptuaire
Rêvons un peu rêvons encore
C’est là l’ultime sanctuaire
Des dieux fragiles que le jour neuf ignore
Voici le dur diamant que le moment éclaire
Le métal et son or L’oiseau et son orgueil
Revoici l’astre fou qui grossit à vue d’œil

Vite quelques fleurs d’ellébore
Vivants prenons garde à l’aurore
Enfant Je m’émerveille aux pièges de sa traîne

À nouveau les hommes vivent
Rêvons un peu sans plus agir
Rêvons de vin et d’apparences
Flammes faciles les jours se suivent
Dans l’écheveau des évidences
J’entends le rire sourd du chaos à venir

Derrière l’aube vient l’été
Dans la houle stressée des blés
Les coquelicots se consument
Leur volage rougeur essaime
Quand un seul soupir les dénude

Chaque jour sur la terre
Sur sa circonférence entière
Condamne chaque lendemain
À se dévorer de chagrin
J’imagine fleurir des éblouissements
De superbes aveuglements
Sous l’aurore toute entière
Irriguée d’orageux réveils
Des forêts d’astres fous et de nouveaux soleils
De soleils champignonnant
Prenons garde au matin trop blanc

L’astre levant face à la route
Joue sa partition de splendeur
Soudain dans le rétroviseur
Un deuxième soleil s’ajoute
La chaleur d’un éclair fait fondre
L’idée de la terre si ronde
Et dans le souffle qui met fin à toute aurore
Toutes les larmes du monde enfin s’évaporent.

 

©hervéhulin2023

 

L’immensité est à portée
Ce n’est qu’un peu de mer ailée
Et de soleil dans son flacon

Effet miroir de la constance
Les ombres matinales s’enivrent
De vapeurs bleues et d’exigence
Sur un tain d’orage ardoisé

Rien ne s’achève et surtout
Pas le jour et sa traînée
Vastes sont les cendres
Et tremblantes les idées

L’immensité est à portée
Il est grand temps au firmament
D’aller enfin se retrouver

 

©hervéhulin2023

 

Je voudrais avancer sur un vaste désert,
Jeter mon âme au ciel et mon pas dans les sables.
Je voudrais aussi vivre et trembler dans les airs,
Comme l’éclat du geai qui cisaille les arbres.

Je voudrais traverser des espaces glacés,
Changer l’or des étés pour l’aura des banquises.
J’ai de mes semblables, attendu bien assez
Pour ne plus espérer qu’en mes propres hantises.

Dans ces milliards de voix, je serai toujours seul.
J’écoute l’harmonie des flots et de l’écume,
Et mon rêve jaloux en s’enfuyant assume
Une blancheur de lune évidant son linceul.

Distant de ces peuples bavards et indociles,
Je fuis à chaque heure vers le soleil levant.
Pour tout futur, je veux un grand matin sans vent
Et pour toute mémoire, un contour de presqu’île.

Je voudrais tant partir vers l’ombre et l’horizon,
Inventer des oublis, découvrir des formules ;
Laisser dans mon sillage enfouir des crépuscules
Et n’offrir au remords qu’une ultime oraison.

Je voudrais traverser une vierge planète,
Ses contrées épurées des vestiges humains ;
Sentir battre en mon cœur, comme s’ouvre un chemin
La lueur des forêts, invisible et secrète.

Je suis las des foules et du cri des cités,
Des savoirs et des pleurs, du fracas des empires !
Rongé par sa gloire, ce vieux monde excité
M’est lointain comme un soir dont la rougeur expire…

 

©hervéhulin2023

 

Ainsi donc sans limite s’ouvre un nouvel espace
Sevré de sa lumière Spolié de ses couleurs
Dans l’air tremble sa distance argentée de brouillard
Un dieu immense et neigeux épouse le regard
La ligne au loin avale son étrange stupeur
Le vide attend le vide dans la nuit qui s’efface

L’ombre mauve des saisons a laissé son empire
Chavirer dans la nuée sous la ruine des âges
Tout aura disparu Tout L’image et son reflet
L’estuaire et la source La lune et son cristal
Mais qu’avons-nous donc appris des anciens paysages
Et la terre s’est perdue dans l’envie qui expire

Ainsi nous apprendrons la vie sans plus jamais embrasser une portion d’espace terrestre animée de saisons et de nuages ni point de vue ni forme d’enfance, sans collines ni falaises, et nous saurons toujours où aller Nous autres vainqueurs des planètes

Nous ne saisirons plus rien du frisson des bruyères
Qui peuplait de rouge et or l’angle vif des miroirs
Ces sillons secrets qu’enviait la pâleur de la pierre
Et sous l’étang étoilé la courbure du soir

Comme un désir d’océan surgi de ses embruns
Offre à nouveau la trame d’un astre à son éveil
Un autre désir survient toujours d’un monde ancien
Un seul regret a suffi pour brûler le soleil

Qui donc nous restituera les lignes ancestrales
Aurons-nous la nostalgie d’incroyables nervures
Sous le flot du jour bruissant d’électriques cigales
Lirons-nous des galaxies la lointaine voilure
Mais à quoi bon s’inquiéter du profil des nuages

Toute forme sans ombre s’éclaire pour toujours
Évanouis sont ces reliefs où paressaient les fleuves
La sibylle a renversé le vin lourd des orages
L’air enfin libéré de sa pesanteur appose
Au cuivre spectral du ciel ses lèvres addictives

Ainsi les boulevards serrés et de vastes façades occupent désormais sans partage le sel et les rives de nos songes tandis qu’un monde émerge dans sa pleine blancheur du coin de la ville qui s’endort alors que les néons et les vitrines se lassent déjà sous la bruine et que dans le remuement infime des perspectives traversées de foules invaincues dont les lois et les siècles ont forgé l’autorité sans recours Voici que sur l’horizon craintif lentement se dresse dominateur par l’économie de son verbe sans fard Aurore immaculée au diadème dardé

Le front auguste de l’absence

A présent rien que la vie dont l’azur bat les cimes
Rien d’autre que ces hauteurs épurées de vertige
Pour seul songe d’avenir l’extase de l’abîme
Rien que la perspective aux ordres de l’évidence
Une trace de rosée qui tremble sur la tige
Un adieu voilé de cendre au bout de cette histoire
Adieu à la chair du monde A l’homme et sa souffrance
Absence O Absence des paysages
Que feras-tu de ta victoire ?

 

                              * Extrait de “Cinq Leçons de paysages”.

©hervéhulin2020

Dans le halo d’un rayon rouge
La terre se fait étrangère
Est-ce une idée de vérité
La nuit se teint d’orange amère
Vers l’horizon qui vient et bouge
Comme un désir tôt en allé

Pourquoi le rubis atténué
Dans la notion de son regret
Patience des constellations

Rien d’autre qu’un mur sinueux
Voici le ruisseau qui danse
Et s’enivre au refrain
De sa propre vibration
Geste éternel de la cascade
Neige lointaine d’étincelles
Pourquoi l’astre éclaté

Écho secret de l’aruspice
Quel est ce rayon rouge
C’est un trait d’éternité
Rien ne lève ni ne retombe
Seul le temps polit la pierre
Et son orbe poursuit son ombre
Le monde est droit comme un calvaire.

 

 

 

 

 

1.

Les pierres se cachent
Dernier sanglot de la mer
Un secret couvert
Sous le sable qui s’efface
Quand l’ombre approche la mer

2.

Tout autour de nous
L’hiver dévore les fleurs
L’air se fait plus doux
Si le vent tourne sa peur
Étranger dans sa torpeur

3.

Moment de fatigue
Quand tourmentée de questions
La terre navigue
Le ciel prend possession
En chantant de l’horizon

4.

Le nain prend la pose
D’un dieu au regard absent
A l’âme d’argent
Mais de son rire la rose
Tue l’amour de l’indigent

5.

Bulles de savon
Dans l’invisible lumière
D’un vent de saison
Passée l’ombre du sanctuaire
Sait-on où elles s’en vont

6.

Fleurs de cerisier
Éparpillées sous l’averse
L’air vous fait trembler
Et sous la lune disperse
Le blanc de vos secrets

7.

L’orage éclata
Le long du vent en colère
Et les acacias
Très insolents se plièrent
Sous les larmes du tonnerre.

8.

Où sont mes amis
A présent tous égayés
Où sont-ils partis
Ne découvrant que regrets
Semés dessous les pruniers.

9.

Comme un oiseau blanc
Au loin s’en vont les nuages
Un monde flottant
Semble changer de visage
Pour s’inverser dans l’étang.

10.

Dans la jarre un astre
S’abîme et déjà décline
Pourquoi ce désastre
Comme un vœu dans l’eau câline
Tout s’éteint puis se ranime.

11.

Rêve et nuit de fleurs
Du matin l’haleine blanche
Refroidit l’ardeur
Sous la nudité des branches
Le ciel garde sa couleur.

12.

Sous un ciel de flamme
Les blés imitent le sable
Tremblement de l’âme
Comme un germe insaisissable
Que l’été est périssable !

13.

Fatigue des pluies
Vapeur d’eau sur les feuillages
Le ciel se replie
Sous les fougères volages
L’argus fragile s’ennuie.

14.

L’averse soudaine
Les jeunes gens se dispersent
Tant qu’il m’en souvienne
Toujours s’enfuit la jeunesse
Dès que souffle la tristesse.

15.

Odeur d’algue ancienne
Les vagues s’en sont allées
L’étoile oubliée
Dans une flaque obsidienne
S’invente un air de sirène.

16.

Pâleur de décembre
L’automne éblouie se blesse
L’air se fait si tendre
Voici sourdre la vieillesse
Insecte figé sous l’ambre

17.

Nuages épars
Quand le jour s’effile et passe
Drôle d’avatars
Des archipels sans miroirs
Où les rivages s’effacent

18.

Quelque chose change
L’aube irisée dans la mare
Devient toute étrange
Puisque noyé sous l’eau noire
Dérive un lutin orange

19.

Le lutin de flamme
Par amour d’une chandelle
S’épuise et se pâme
Trop près du feu de sa belle
Il se change en étincelle.

20.

On le sait la vie
Ne sert qu’à bien peu de choses
Si trop tôt ravie
S’en est fanée l’énergie
Avant le cycle des roses.

21.

Un flocon s’enivre
Sur l’autre flanc de la vitre
Où vas-tu mon livre
Quand l’hiver d’un souffle invite
Le signet que tu délivres.

22.

Amère saison
Lucioles sous les prunus
Leurs feux se défont
Si pâles que l’horizon
S’estompe dans l’angélus.

23.

L’océan blotti
Sous l’ombre du coquillage
Semble rajeuni
Puis renonce à tout étiage
Désir d’y creuser son nid.

24.

Le trèfle s’étire
Vers le soleil sans retour
Superbe délire
Du bruissement d’un empire
Sous le tremblement du jour.

25.

Consumée dans l’air,
La lumière sous les feuilles
Nous vient de la mer
Goûtons cet écho si cher
Où la terre se recueille

©hervehulin2022

 

Soleil et mer durcis
Hantés par le silence
La nuit veille et danse
Sur la peau du rivage
Où file l’infini
Tel un enfant sans âge

Comme la voile s’entrouvre
De l’époux quasi-défunt
L’instinct rêve et se retrouve
Dans le sable qui s’éteint

Détissant le désir et ses ors
Elle attend Fidèle et captive à la fois
Et contemple la main en visière
– Plutôt qu’une vie solitaire
Descendre sur les flots pourpres
Le rouge cyclope du soir

 

 

 

 

 

 

©hervéhulin2022

Comme une ombre qui vient sur les blés et la plaine
Une tache de sang sur la neige a brûlé
Le fragile sarment d’une paix bien ancienne
Le temps que prend l’écho d’un sanglot écoulé

Sous l’éclair, solitude, et frayeur sous l’orage ;
Cet hiver écarlate a lâché ses périls,
Et dans le ciel enfui, les neiges en exil,
Avec l’or du matin, en tremblant, s’encouragent.

Toujours la blessure l’emporte sur l’accord,
Le vide sur l’astre, quand même la nuit pleure.
Et rien des peuples morts ne justifie le sort
Car l’homme est ainsi fait qu’il tue ce qu’il effleure.

L’Hoverla soudain gris, le Borysthène est triste.
Tout ce que la brume, tout ce que l’horizon,
Et tout ce que le songe ont permis de raison
Se relèvent à l’Est où chaque mot résiste.

Et tandis que saigne sous un mauvais destin
Ce corps blanc qui se noie dans sa plainte et sa peine,
Le vent tourmente et sème un cauchemar d’airain.
Car le monde est soudain noir et rouge en Ukraine.

3 mars 2022

©Hervé Hulin, tous droits réservés.

I. Extase marine.
II. Paris, la nuit.
III. Fœtus.
IV. Joe Africanus.
V. Trêve.
VI. Prière à la Lune.

I.     Extase marine

Le long sillon d’écume arasant les rochers,
Mugit et claque comme un suaire blanchâtre
Jaspé de veinules, sous un soleil saumâtre,
Et l’eau de ce marbre est celle des mausolées.

Le fracas enroué des vieux tambours marins
Domine mes thrènes. Des abysses, émerge
L’anathème, en fiels éructés d’une vierge.
Je suis anachorète immobile et serein.

Cette lévitation d’antipode m’affame.
Un silence opaque capte pourtant mon âme.
Le ressac a cessé quand m’oppresse son poids.

J’échappe aux spirales de l’exil et du temps.
De tout mon corps tremblant, un cri, un cri de foi
Exulte enfin, jaillit : « Je suis encore vivant !»

 

II. Paris, la nuit.

Sœurs dans nos nuits d’exil – sur nous deux l’ostracisme
D’une ville hibernant – nos âmes en mouvance
Accordaient leurs frissons, sous le feu d’archaïsmes
Du très haut temps du pleur, au fil des délivrances.

Et nos baisers, profonds comme des gargarismes,
Nous polluèrent de leurs flasques somnolences.
Nous eûmes nos regards pour subtil exorcisme,
Quand nous rêvions nos vies de parfaite romance.

J’ai cru choir en cette léthargie légendaire,
Dessous les couloirs du métro pour ciel-de-nuit.
Mais quand tu t’es trissée dans l’aurore adultère,

Te passant ton rouge, j’ai su que c’était cuit.
Sœur dans ma nuit d’exil, dans le temps qui s’effrite
Bouffé par mes baisers, ton rire reste mon rite.

 

III. Fœtus

Dans l’antre femelle, en basalte et velours rose,
Roc métamorphique, je me suis accroupi.
Saoulant mes cieux obscurs, me parvenait morose
Un air rare à forte teneur en élégies.

Antique anachorète, un songe amniotique
Annihila mes sens – rêver ? être rêvé ? –
M’instilla son désordre en magma chaotique.
Une voix murmurait : « Nul ne sera sauvé.»

Toujours gardons-nous de l’espoir, car à l’idem
De l’univers, nos vies doivent être un œdème
Avec la poésie pour seule cortisone.

Au mamelon femelle, en rond basalte noir,
J’ai tété un poison minéral qui chiffonne
Et broie mes sentiments ainsi qu’un assommoir.

 

IV.  Jœ Africanus

Lorsque oscille un regard aux minarets si bleus
Sous ces cieux abyssins – cieux intérieurs – où passent
De lentes méharées sur le ressac sableux,
Quand le soir se jette du très haut des terrasses,

La nuit africaine, délavée de sangs, laisse
Un arrière-goût de cendre, un relent de limon.
Frère à la peau de lait, quand la paix te délaisse
Hèle tes amantes, étouffoir à moussons,

Princesses encasées à l’intérieur d’un rêve.
Et pille leurs sérails, ramone-les sans trêve !
Pour tout bardas, ton schlasse et deux-trois gonocoques,

Tu reviens toujours seul de pays si lointains.
Nos rêves s’enchâssent et chacun ventriloque.
Par cela, le monde démultiplié, tient.

 

V. Trêve

Nous userons la nuit jusqu’à la corde grise
Des matins enneigés ; nous userons l’amour
D’inassouvies suées ; nous filerons la bise
D’un long frottis-frottas, au rythme du sabûr.

J’ai flingué tous les coqs pour ajourner l’aurore.
L’hirondelle est morte qui livrait le printemps
Et là-haut montent la garde deux trois pécores.
Vite remets du bois. Puis replie doucement

Le drap sur l’hiver, la neige sur nos combats.
A pas de louve, viens te lover dans mes songes
Où la vague bleue tète le ventre incarnat

D’une anse, et l’alizé susurre ses mensonges.
Les canons se taisent, tant que dure l’hiver.
Tant que dure la nuit, que l’amour est amer !

 

VI. Prière à Lune

Lune hyaline, qui gouverne toute femme,
Qui coule tes vertus de diaphane embonpoint,
Qui fait leurs insomnies, leurs désirs polygames
Au long d’immanences remontant du très loin.

Satellite bifrons, qui mène les marées,
Qui jette tes flux à l’assaut des madrépores,
Qui fond l’amer instinct en un doux hyménée
Tout au fond du ventre des femmes à enclore.

Lune, qui permet que les orages s’épanchent,
Qui donne un limon aux moissons, l’eau aux moussons
Ô Princesse du Sang, si droite sur tes hanches,

Intercède en faveur de ses contrefaçons
D’amours lunatiques aux sexes indistincts :
Que soit heureuse cet androgyne arlequin !

De tant de beaux matins discrète donatrice
Notre Lune a sombré sous le coup de midi
Mais n’a pas attendu sommeillant aux aguets
Le retour du solstice
Son reflet trois-couleurs si vite évaporé
Laisse une ultime parhélie
Trembler sous le deuil attendri
Lune abolie Que reste -t-il de sa rosée ?
Une douce lueur à l’étoffe embuée
(suite…)

La houle blonde des lavandes
Évolue en sinuosité
Dans un soleil criard
Le silence est capté
La terre alors change de ton
Et son tour redevient rond
Des pierres antiques contemplent
Cette équidistance bleutée
L’abbaye reste assoupie dans sa masse
Le chat va dormir
Mais ne cesse de sourire en dormant (suite…)

Sous le silence de l’obscur
Lève le frisson des chandelles
Pas à pas
Tel un soupçon qui devient sûr
A force d’écho infidèle
Jette au jour un ultime appât
Regret des anciennes tutelles
La nuit qui va ne revient pas

Déjà faiblit la voix du pâtre
(Onde orangée de la distance) (suite…)

                            I

L’éclaircie passe sur le lieu
Âme humide sans pavillon
Et ce faisant dévoile un feu
Blanc qui attire/ déterre
Sous la symphonie des racines
L’œil ancestral du ténébreux
(C’est un chant qui s’efface)
Question de convergence (suite…)

Le lierre sombre où mille fois
Perle un soleil chancelant
Murmure de blonds mots d’amour
Aux pierres vieilles et sans voix
Parmi les feuillages changeants
Qu’enrichissent les bras du jour

Et dans la douceur du granit
Oublié sous son joug de secret
Plus tendre et lointain qu’un zénith
Chantonne le souffle sacré
De l’eau esseulée qui palpite

Sa flûte roule et s’éparpille
Nue la fraicheur se découvre
Sous l’angle où les astres fourmillent
Un infime arc en ciel s’entrouvre
Dans le tempo d’un andante

Sous l’émeraude carminée
Se blottit la goutte tremblante
Rosies des chairs de la rosée
Et mille fois recommencée
Avec la discrétion frappante
D’une vie qui serait terminée.

 

©hervehulin

Comme un cygne à l’envol se détache de l’onde
La nuit d’un seul soupir trace des rives neuves
Les ormes embrumés que la pénombre émonde
Attendent Le voyage en s’effaçant se plisse
Ma barque en silence glisse le long du fleuve
La rive est sombre et mon cœur triste

Je ressasse le soir de crainte qu’il ne meure
J’entends le souffle des rameurs
Tout près des vagues dépliées
Tristesse que l’exil effleure
Je songe à vous qui m’oubliez

La lune en son rayon épouse le profil
Escarpé d’un écueil Que reste –t-il
De la lueur diurne où naviguait le regard
Dans la nuit bleue alentie de brouillard
Quelle est cette douceur profane
L’astre orangé d’un nénuphar
Comme la mémoire est diaphane

Pas de secret Le monde est fait d’étrange choses
L’argent de l’aiguière s’afflige avec les ans
Quand sa liqueur jamais n’en paraît éventée
Comme la biche blanche évanouie dans son sang
La vie la fait dormir Que la neige soit rose
Tout doux mon sang Tout doux Que ton ruisseau chemine
Et porte sa rougeur à celle qui me hante
Là où le vent est vif Là où tout est vivant

Il fait moins froid La nuit devient mauve il semble
C’est l’heure où mon âme fendue s’échappe et tremble
Elle fuit l’ombre qui la dévoile Comme elle
La luciole s’efface auprès de la chandelle
Je ressasse le soir de crainte qu’il ne meure
J’entends le souffle des rameurs
Tout près des vagues oubliées
Mon œil ne voit plus rien que le fanal qui meurt
Douceur que le matin affleure
Je ne vous oublierai jamais

 

©hervehulin

 

Suite N° 1.

 

1.

Des sources de fleurs
Perles blanches sous la lune
Portent leur liqueur
Aux amants Le blond La brune
Pour une folie commune.

2.

L’obscure cigale
Dans le chant des oliviers
Regarde aux étoiles
Et se dit qu’il faut chanter
Plus fort pour les éclairer.

3. Rêve d’étang

Point bref dans la nuit
L’étang mille parfums hume
Déjà s’assoupit
L’étain médaillé d’écume
L’eau vers ses rêves transhume.

4.

Dans le jardin bleu
S’écoule un vol d’oiseaux blancs
Arraché aux cieux
Car loin du soleil sanglant
Le soir semble trop brûlant.

5.

Le front face au vent
J’ai volé quelques pétales
Volé au levant
Tout vitrifié d’opale
Puis j’ai volé trois étoiles.

6.

Au bord du ruisseau
S’inclinent trois roses rouges
Et captif de l’eau
Leur reflet s’éclaire et bouge
Pauvre triple rose rouge.

7.

Sur un jeune pin
Un vieux merle se pose
Puis vient le matin
Sur les arbres et la rose
De l’oiseau noir prend la pose.

8.

Quand l’automne vient
Refleurissent les tons mauves
Tout est plein de vin
Au soir venu d’ivres fauves
Comblent du ciel les alcôves.

9.

Le pauvre ciel nu
Ses envolées d’hirondelles
A déjà perdu
De l’automne les ombelles
Seules semblent immortelles

10.

Quel est ce parfum
Qui verse dans la campagne
Couleur d’or défunt
C’est celui de la montagne
Où lassé octobre stagne

11.

Éloges des nuits
Éloges des crépuscules
C’est le même bruit
Qui dans mon crâne bascule
Et dans mon cœur gesticule

12.

Au fond du jardin
Triste j’ai planté un saule
Ainsi mon chagrin
Pour durer tels ces rameaux
Loin comme eux figé s’envole.

13.

Je suis fatigué
Car si pâle est ma personne
Que j’ai beau chanter
Le cœur de son orgue atone
Couvrant ma voix trop fort sonne.

14.

La voix d’un quatuor
À cordes dans l’hiver vibre
Saisissant dehors
D’un minuscule calibre
Tout ce qui jadis fut libre

  1. Mort d’un ruisseau

Au fond de ses yeux
S’enchevêtrait une source
Puis sans bruit trop vieux
Il a perdu sa ressource
Et l’eau a cessé sa course.

16.

Tissant son roman
Passager dans le silence
Le chant tout d’argent
D’une flûte bleue s’élance
Vers les voûtes de sa danse.

17.

C’est un long miroir
Que l’eau tranquille en novembre
Et on peut y voir
Que les fleurs cent fois plus tendres
S’évanouissent sous l’ambre.

18.

Près de l’eau qui dort
Des rameaux d’orme se mirent
Dans le soir tendu d’or
La luciole et le lampyre
Déjà fragiles expirent

19.

On voit s’en aller
Les voiles des oies sauvages
Là-haut dans le lait
Si tranquille des nuages
Que divise leur plumage.

20.

Cet arbre est petit
Dessous l’ombre des grands charmes
Mais comme eux il suit
Le fleuve couleur de larme
Octobre au chant de sa palme.

21.

Marchant dans les champs
J’avais surpris une biche
Qui s’enfuit pleurant
Depuis combien je suis riche
Des larmes de cette biche.

22.

La longue blancheur
Du matin froid redessine
L’envie des couleurs
Au fonds d’un lit d’étamine
La nuit à nouveau s’incline.

23.

Les fleurs sont en deuil
Des feuilles jusqu’aux anthères
Car dit le bouvreuil
C’est l’amant de la panthère
Qu’au soir la forêt enterre.

24.

Noyé de sommeil
Cet étang pâli de gemmes
Oublie le soleil
Et le temps n’est plus problème
Pour qui dort et le vide aime.

25.

Le tardif azur
Vient obombrer les pierres
Sur les flancs du mur
Où s’empourpre le grand lierre
Profond plus que la rivière

 

 

 

©hervehulin2020

Voici l’heure opaque : c’est l’heure la plus pure
Quand l’esprit s’évapore sans trouble ni retard
Voici qu’une ombre se pose au grand large du soir
Le songe s’est voilé dans un souffle qui dure

Voici que s‘achève la vaine ardeur du jour
Adieu les soleils blonds les bienheureux effluves
Le sillon des clartés s’épuise chaque jour
Et chaque soir revient la neige après l’étuve

Viennent l’ombre qui vibre et l’ombre qui voltige
Flatter le ciel tendu dessus les frondaisons
Déjà en toison bleues les nuages s’érigent
Et le ciel s’apaise veiné de doux poisons

La meute des senteurs les armées de lueurs
Raniment les miroirs de forêts diluviennes
Tandis qu’appareillent des navires danseurs
L’océan se gonfle comme un soleil qui saigne

L’ombrage se délie La fraîcheur s’accélère
Des fleurs s’émerveillent comme des tombeaux
Et leur parfum se fige en sifflantes lumières
Le soir encore secret déroule ses anneaux

Quel est donc cet envol qui passe avec ardeur
Quand le monde se ferme aux feux tièdes du soir ?
Quelle est cette brûlure au toucher sans douleur
Comme un instant de pâme, incertain ? « C’est l’espoir ».

 

 

 

©hervehulin2021

 

©hervehulin

 Sachant que la couleur ne subsiste
Dans l’iris des sites et des formes
Qu’au regard de l’incolore triste
Qui lui offre ses fonds et ses normes
L’automne est multiple et trismégiste
Comme il ombroie jusqu’à la croisée
Un jardin de feux et de rosée
Il ravive ainsi les améthystes

Dedans la fenêtre un salon d’ombres
Antiques dort paupières closes
Les meubles que la poussière obombre
Clamant l’immobilité des choses
Il est brun comme l’automne est d’ombre
Ce salon étrange comme une
Couleur d’automne à tout est commune
Quand un bleu ingambe s’érige hors des décombres

Elle est vêtue d’un bleu nu devant les lueurs
De ce jour d’automne qui s’élague tout seul
Auprès du bois des meubles à la modeste ampleur
Elle répond d’un ton fragile et presque veule
Où se change la lumière en brillante sueur
Elle ne lit pas son livre et incline son cou
Son cou est pur comme le tranchet d’un bijou
Elle murmure sans parler Elle est en pleurs




©hervehulin2021

NOCTURNE

 

I

Dans le jardin tranquille
Dix mille yeux rosés
Dans les feuilles scintillent

(Le vent est supposé)

O… qu’ainsi vivre est silencieux
Sur la peau des cieux

II

A moi Le dieu-chien de trois pas
Quittant l’ombre s’avance
Sa démarche semble médiane
Devant la lune en filigrane
Quand sur la margelle il jappe
Débute l’arc long de sa danse

Puis
Sans se retourner
La lune s’en va
Du jardin qui fut

III

Maintenant la déesse panthère
Aux peupliers se donne
Alors que faire ?
A l’ombre des colonnes
Moi je n’y peux rien faire
Couleur de sienne envie en moi
D’outre passer les colonnades
Et mourir pour les peupliers

 

 

©hervehulin2021

LES PLEUREURS

 

Perdus dans le linceul des saules adventices
Les aventureux rayons du couchant se défont
Les ombres sont rouges Les songes sont novices
Dans ces larmes ramifiées le soir se fait plus long

La rivière invisible en s’éventant dérive
Son regard est si pâle Son miroir est nodal
Et sème une traîne d’étoiles éventives
Les alucites dénouent ce vide sidéral

Les pleureurs sont enneigés d’une peine contraire
Car ce soir qui les fait si tristes et si beaux
Saisis dans le contre-jour d’une même lumière
Vient les nimber du deuil du soleil ou des eaux
Les pleureurs sont embrumés d’une peine contraire

La peine est un hasard de brume et d’intérieur
Une planète tremblante au bout de la lentille
La douleur est un lys noir à l’éclair moqueur
Quelle est donc cette évidence en mourant qui scintille

Sombres couleurs de l’âme où le saule s’éteint
L’astre couchant se contemple où le désir s’achève
Le sang pâlit la voix se meurt le cœur s’étreint
D’un seul souffle la fleur se change en son propre rêve

Les pleureurs endurent la torture du soir
Ce dieu d’ivoire enchanteur qu’ils adorent et craignent
Et au soleil lointain qu’il est proscrit de voir
Meurtries de sa distance leurs implorations saignent
Les pleureurs savourent le supplice du soir

Apologie du silence ils ne peuvent rien dire
Pour seul verbe un murmure allusif des rameaux
Tient lieu de rumeur marine où le vent vient s’induire
Miroitement des pleurs écoulés mot à mot

La bulle bleue de la lune ensevelie dans l’âtre
Des hauteurs nocturnes où dorment les cieux blancs
Effleure pensivement d’une étoile bleuâtre
De l’argyronète le tissage tremblant

Les pleureurs voient l’étoile pâlir en son silence
Puis souffrir et mourir dans son charme recru
La bas comme un oiseau d’or prend l’essor en cadence
L’intouchable Celer voit son temps revenu
Les pleureurs voient l’étoile s’élever en silence

Mouvante promesse des saules qui s’étend
Double extension des couleurs que l’argent de l’eau fêle-
Il n’est rien à ravir au rouge de l’étang
Voici trompé le songe sanglant de l’anophèle

Reflet désintégré du roseau isolé
A cette heure les rêves grondent en leur tumulte
Ainsi dans le même or d’un halo ciselé
Vivante aurore les astres combattants s’occultent

Les pleureurs miroitent sous l’écho confident
Se peut il qu’à regretter des saules se consument
Tout est vain si le cœur n’est pas lamé d’argent
Au cœur de l’herbe aimantée vibre une étrange écume
Les pleureurs miroitent sous l’écho confident

L’onde au pied des troncs file une brume gracile
A peine enchanté son voile hors d’atteinte est perdu
Comme un lever de lune hors son écrin fragile
L’étrave des nénuphars guette un astre attendu

Au large des pensées où le verbe décline
L’onde poursuit son reflet au phosphore ébloui
Tout reste seul sans voir les aubes alcalines
Toujours le départ fait naître un sentiment d’oubli

Les pleureurs mourront là La nuit change son angle
Les phalènes s’essoufflent dans la fraîcheur de l’air
A force de pleurer les feuillages s’étranglent
Qui donc aura mémoire dans l’action d’un éclair
Des pleureurs morts sans vivre en un monde épris d’angles

Les saules sont trop tristes la vie coule si pâle
Les alucites dénouent ce songe sidéral

 

©hervehulin2022

Des pluies sœurs de lune peuplent le ciel d’écume
Ce sont là de vastes fontaines en voyage
Des vastes navires en marche sur le monde
Des pluies couleurs de neige au bas du ciel d’écume
Voguent échevelées voguent et sonnent l’âge

Ainsi venu le temps, ainsi venu l’hiver,
Les neiges frileuses soulevèrent le nord
Un élancement de sable au salut blanc de l’aube
Elles quittaient la terre, en fumée, sans remords
Ces ondées nouvelles, ces tiédeurs soudaines
De mémoire d’homme, qui donc vit l’hiver en vol ?

Et ce furent des pluies, des pluies envers le songe
Sablier de brume pour accueillir la terre
Elle revenait, l’eau, sans mesure et première
C’est un noble retour dans le cœur vieux des hommes

Il tombe sur la ville un applaudissement
Des vents. N’était que ce bruit frêle comme est l’âme
Aux instants de pâleur, l’homme enfin confiant
Recueillerait demain aux formes découvertes
La tiédeur de l’effort comme l’or d’une flamme
Et chantent les pluies O sources génitives
Des pluies de mémoire, des pluies fauves et noires.

Au souffle des reflux celui de la défaite
La mer est en voyage et son courant se perd– Âme !
Tu n’es plus le miroir traversé de saisons
Où le rire des nuages fut l’orgueil du jour – Homme !
Où donc est ton silence ? Où donc est ta foi, où donc ta raison ?
Dans le train chagrin des âmes trahies
C’est un puissant désastre et que les pluies t’emportent !

Les augures du soir étaient beaux et menteurs
(Ils montrèrent l’astre promis
Le juste de l’honneur, l’orgueil des cités vertes
Un présage assuré dans l’éclat des fontaines)
Mais tout l’or du monde désespérait les songes
Comme femme en son voile l’aube restait promesse
Pluies fortes, pluies trompeuses ! Où est votre promesse ?

Sous la pourpre trempée des princes un mensonge
Toujours revint. Des pluies moqueuses, des pluies rouges
Marchaient comme un tambour au front d’armées sauvages
Rires dissolus des vainqueurs ! – Armes avivées d’éclairs !
Tout n’était que violence aux hommes sans mesures
Et le désert rendait cruels les chevaux mêmes

« Mais que reste-t-il donc du rire des fontaines ? »
Sauf l’antique blancheur des neiges si pures
Des cités éventrées, des peuples éclatées
Des arcs de pierre à genoux puis des vallées closes.
Là-bas comme un miroir d’hiver lègue à la terre
L’argent blanchi de ses névés
La lisière des eaux sur la pâleur des roses

Et mon rire n’est plus cette armure enneigée
Où je croyais enclos tous les vaisseaux du monde ;
La tristesse hume les embruns de sa présence
Je ne sais plus si l’âme est une aurore blonde
Où rien que ce guerrier qui compte les années
Qu’est devenue la grâce du silence souhaité ?
Et la pudeur de l’ombre au front des cités vertes ?
Mon cœur quelle est donc cette grâce qui trahit sa douceur ?

Au matin mûri d’attente
Voici que dessus la ville et le déclin des pierres
Dessus le jour, dessus l’orgueil des astres promis
Comme s’ouvre l’envol d’un millier de colombes
La nuée des anciennes promesses quitte le monde
Il pleut devant l’horizon des brumes
Des pluies sœurs de lune peuplent le ciel d’écume
Et c’est déjà l’heure qu’il faut choisir un monde
Y vivre et s’y soumettre et n’y rien regretter
Des neiges tant aimées du ciel O mon coeur
Sous la rumeur changeante que font les pluies du soir
D’où vient donc cette ondée qui éclaire un espoir?

 

 

©hervehulin2021

Mauve et tranquille
Figé dans son reflet
Le soir comme un songe essoufflé
De l’étang ravit le miroir
Et moi j’envie le soir

Je suis le porteur d’eau
L’ombre ployée qu’effleurent les roseaux
Mon échine lasse et docile
Epouse le tracé courbe des saules
La lourde jarre hissée à mon épaule
Chantonne combien nous sommes fragiles

Combien nous sommes fragiles
Nos jours sont d’un sable indocile
Comme le soleil tremble au fond de l’eau dormante
Le temps que nous volons est une arche d’argile
Une idole pensive au regard qui s’absente
Le soir dans l’eau sombre son halo s’annihile

Et moi cristal rêveur j’envie le soir qui passe
Je hume le rivage et sa fraîcheur facile
Je pense aux hommes las que la vieillesse enlace
Ou rend sage je rêve de soleils graciles
Et tremblant d’amour au tréfonds de l’eau froide
Je pense aux fleurs d’eau que la jarre tient captives
Quand pourrais-je vivre en chair mes désirades
Je suis le porteur d’eau et l’âme est fugitive

 

 

©hervehulin2021