Ce qu’il peut arriver de pire, Césonie, vous exclamiez-vous? Et de répondre vous-même à votre question: “ne pas être aimée, comment peut-on vivre sans être aimée?”.
Pourtant, on vous répondrait: on s’y habitue sans doute, comme d’être myope ou chauve. Regardez donc ces gens qui peuplent nos villes et nos campagnes de si grandes solitudes, ces légions d’humains qui si soigneusement alignés, regardant chacun devant soi, s’ignorent, se parlent si peu, et restent sourds à ces voix distantes pourtant si semblable à la leur…Vivre avec l’habitude d’avoir quelque chose de moins que beaucoup d’autres, mais vivre quand même. Ne pas être aimé, certes, mais regardez: le soleil se lève quand même et le soleil se couche, les saisons passent et viennent, les galaxies naissent et se consument, les métros arrivent à l’heure, les foules marchent dans les rues et les avenues, les humains crient et voyagent, les esprits chantent- et chacun est toujours vivant. Avec un peu plus de sel et de tendresse, amassés en soi.
Voyez-vous, Césonie, c’est la première vertu de l’homme que de s’habituer à se passer des autres.
©hervéhulin2022