Où vas-tu mon vieux livre, O mon plus bel espoir,
Mon ineffable enfant à l’ardeur si tenace ?
Les pleurs si embués sur le plan du miroir,
Que chaque mot qui va est un jour qui s’efface.
Ou vas-tu vieil ami qui me tourne ses pages ?
Les lignes rendent à l’horizon ses embruns…
Que reste-t-il, sinon qu’un regret qui voyage,
Et sur le doigt vieilli une odeur de cuir brun.
Qui donc rapportera le frêle enchantement
D’un monde qui s’enfuit sous la passée du verbe ?
Voici que chaque terme ajoute à mon tourment
La tristesse du vent, qui s’épuise sur l’herbe…
Mon livre, as-tu idée d’un matin éternel ?
Les mots comme les gens sont libres et faciles,
Et constellent l’azur de tant d’or et de sel,
Que chaque envie d’étoile, est un astre qui file.
A présent que la pluie palpite sur les vitres,
Le jour se fait plus blanc, et le regard s’échappe…
L’ineptie du désir referme son chapitre
Et de l’aube avinée ne sauve que la grappe.
Ainsi donc, mon vieux livre, aveugle et enneigé,
Il faut tenir la route et finir le travail
Avant que le soleil n’enterre son sujet,
Et que l’âge assombri n’ouvre son éventail.
©hervéhulin2022