Voici un authentique entrepreneur, un homme qui prend des risques et qui n’est pas sans rien faire, et c’est Arsène. Voici dont un vrai libéral. On peut dire de lui qu’il ira loin, mais il a déjà parcouru bien de ce chemin que la vie dévoile comme on s’y aventure. Arsène considère que tout investissement – d’argent, de temps, de relations- est juste par son principe. Il adore le mouvement mais rejette l’oisiveté, honore le profit et déteste l’assistance. Arsène est un gagnant. Qui lui donnerait tort, de nos jours ? Il est pour l’entreprise et le capital, hostile au partage et à la solidarité dont il affirme que c’est la dictature des faibles et des inaptes. Seul le travail et la valeur font la fortune. Sans doute nourri de son succès, et assourdi par son propre mouvement, Arsène n’aime pas les modestes de la société, et n’a pas de mots assez sévères pour les distancés, les exclus, les précaires et les pauvres, qui ne sont -tout le monde le sait – que des invertébrés accrochés à leur rocher. Souvent, on le voit s’agacer ou s’emporter quand ces êtres réduits, à la vie confisquée par le sort, encombrent devant ses pas la chaussée qu’il emprunte. Plus les années passent et plus il est intransigeant pour ceux-là. Plus son succès l’élève dans cet ordre social qu’il vénère, plus ceux qui restent en bas l’exaspèrent. Mais qu’on ne lui reproche rien de cette mauvaise obsession, ce n’est là qu’un détour; jadis, on l’aura deviné, Arsène fut pauvre, jusqu’à un soudain virage du sort et toute ces foules de misère sont autant de spectres qui le pourchassent de les avoir oubliés. Lui seul les voit qui le hantent et le pourchassent, mais il ignore qu’on le sait.