Suite N° 1.
1.
Des sources de fleurs
Perles blanches sous la lune
Portent leur liqueur
Aux amants Le blond La brune
Pour une folie commune.
2.
L’obscure cigale
Dans le chant des oliviers
Regarde aux étoiles
Et se dit qu’il faut chanter
Plus fort pour les éclairer.
3. Rêve d’étang
Point bref dans la nuit
L’étang mille parfums hume
Déjà s’assoupit
L’étain médaillé d’écume
L’eau vers ses rêves transhume.
4.
Dans le jardin bleu
S’écoule un vol d’oiseaux blancs
Arraché aux cieux
Car loin du soleil sanglant
Le soir semble trop brûlant.
5.
Le front face au vent
J’ai volé quelques pétales
Volé au levant
Tout vitrifié d’opale
Puis j’ai volé trois étoiles.
6.
Au bord du ruisseau
S’inclinent trois roses rouges
Et captif de l’eau
Leur reflet s’éclaire et bouge
Pauvre triple rose rouge.
7.
Sur un jeune pin
Un vieux merle se pose
Puis vient le matin
Sur les arbres et la rose
De l’oiseau noir prend la pose.
8.
Quand l’automne vient
Refleurissent les tons mauves
Tout est plein de vin
Au soir venu d’ivres fauves
Comblent du ciel les alcôves.
9.
Le pauvre ciel nu
Ses envolées d’hirondelles
A déjà perdu
De l’automne les ombelles
Seules semblent immortelles
10.
Quel est ce parfum
Qui verse dans la campagne
Couleur d’or défunt
C’est celui de la montagne
Où lassé octobre stagne
11.
Éloges des nuits
Éloges des crépuscules
C’est le même bruit
Qui dans mon crâne bascule
Et dans mon cœur gesticule
12.
Au fond du jardin
Triste j’ai planté un saule
Ainsi mon chagrin
Pour durer tels ces rameaux
Loin comme eux figé s’envole.
13.
Je suis fatigué
Car si pâle est ma personne
Que j’ai beau chanter
Le cœur de son orgue atone
Couvrant ma voix trop fort sonne.
14.
La voix d’un quatuor
À cordes dans l’hiver vibre
Saisissant dehors
D’un minuscule calibre
Tout ce qui jadis fut libre
- Mort d’un ruisseau
Au fond de ses yeux
S’enchevêtrait une source
Puis sans bruit trop vieux
Il a perdu sa ressource
Et l’eau a cessé sa course.
16.
Tissant son roman
Passager dans le silence
Le chant tout d’argent
D’une flûte bleue s’élance
Vers les voûtes de sa danse.
17.
C’est un long miroir
Que l’eau tranquille en novembre
Et on peut y voir
Que les fleurs cent fois plus tendres
S’évanouissent sous l’ambre.
18.
Près de l’eau qui dort
Des rameaux d’orme se mirent
Dans le soir tendu d’or
La luciole et le lampyre
Déjà fragiles expirent
19.
On voit s’en aller
Les voiles des oies sauvages
Là-haut dans le lait
Si tranquille des nuages
Que divise leur plumage.
20.
Cet arbre est petit
Dessous l’ombre des grands charmes
Mais comme eux il suit
Le fleuve couleur de larme
Octobre au chant de sa palme.
21.
Marchant dans les champs
J’avais surpris une biche
Qui s’enfuit pleurant
Depuis combien je suis riche
Des larmes de cette biche.
22.
La longue blancheur
Du matin froid redessine
L’envie des couleurs
Au fonds d’un lit d’étamine
La nuit à nouveau s’incline.
23.
Les fleurs sont en deuil
Des feuilles jusqu’aux anthères
Car dit le bouvreuil
C’est l’amant de la panthère
Qu’au soir la forêt enterre.
24.
Noyé de sommeil
Cet étang pâli de gemmes
Oublie le soleil
Et le temps n’est plus problème
Pour qui dort et le vide aime.
25.
Le tardif azur
Vient obombrer les pierres
Sur les flancs du mur
Où s’empourpre le grand lierre
Profond plus que la rivière
©hervehulin2020